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La librairie a rouvert ses portes en début de semaine.

Susanna Cros n’a plus une minute à elle. Ce qui pourrait être la première ligne d’un bon roman est en fait le quotidien de la jeune libraire. Avec son charmant accent catalan, et son sourire qu’elle ne la quitte jamais, l’unique salariée de cette librairie indépendante sous la forme juridique de Société coopérative d\’intérêt collectif, court partout depuis la réouverture du Cheval dans l’arbre. Et c’est loin de la déranger, elle qui a quitté en septembre dernier son emploi dans une librairie spécialisée de Girona (Catalogne sud) pour venir travailler et s’installer à Céret. Depuis la réouverture en début de semaine des lieux avenue Michel-Aribaud après un déménagement du site historique (lire nos précédentes éditions), elle accueille avec bonheur ses clients. Dont la plupart sont sociétaires (500 à ce jour !). « Je remarque que de nouvelles têtes passent aussi la porte\ », commente-t-elle tout en faisant le tour du propriétaire à Michel et Christiane qui ont participé à ce projet et au « voyage des bouquins » comme ils décrivent la grande chaîne humaine réalisée le mois dernier pour transvaser les ouvrages. Les éloges du couple pleuvent. « Que c’est beau. On se perd là. C’est incroyable. On respire ». Pas le temps de finir la phrase qu’une des adhérentes au projet arrive. « Comme une trentaine d’autres sociétaires, je suis bénévole », explique-t-elle. C’est-à-dire qu’elle a pour missions de donner un coup de main. Nettoyage du local, réception des colis, classement des livres sur les larges étagères en bois brut, tenue de la boutique et d’un stand sur différentes manifestations culturelles font désormais partie de son quotidien.

\ »Plus de confort\ »

S’il n’y a pas plus de livres que dans l’ancien local, « c’est vrai qu’ici nous avons plus de confort, reconnaît Susanna. On a désormais des espaces bien identifiés dont la jeunesse, les sciences humaines, la littérature… ». On retrouve Michel, « lecteur moyen » comme il se définit. Ce dernier vient de jeter son dévolu sur L’Aleph, un recueil de dix-sept nouvelles écrit par Jorge Luis Borges. « Je prends la version bilingue français-espagnol. Je vous le recommande », glisse-t-il en prenant un second livre. Et soumettant à la libraire, l’idée de mettre des panneaux informatifs pour identifier les thématiques. « C’est prévu ! », rétorque-t-elle souriante comme toujours. Décidément, Susanna Cros n’a plus une minute à elle.

Dans le cadre du Printemps des poètes, Le cheval dans l’arbre (1 avenue Michel-Aribaud) présente le livre « Et le soleil dans ta main » (Ed. La Coopérative), du poète catalan Antoni Clapés aujourd’hui samedi 18 mars à 18 h.
La librairie est ouverte du mardi au samedi de 9 h 30 à 12 h 30 et de 15 h 30 à 18 h 30.

Pépé Jules ou l’aventure d\’une librairie pas comme les autres

Jules Carreras, ouvrier à la coopérative sandalière de Céret en 1929, était un grand lecteur, dévorant deux à trois livres par semaine qu’il empruntait à la Bibliothèque pour tous, située près de l’Église. Il laissait souvent le soin à sa petite-fille Michèle de lui choisir les manuels.
C’était pour elle un vrai bonheur de baigner dans cette atmosphère feutrée au parfum si particulier qui émane des livres anciens.
Ce goût de la lecture insufflé par Pépé Jules, la Reynésienne Michèle Cardonne l’a gardé tout au long de sa carrière dans l’enseignement. En 1986, elle démissionne et cherche un endroit propice pour accueillir une librairie. Elle découvre à la vente les 15m2 du salon de coiffure Zocchetto, place des Neuf-Jets. Pépé Jules prête des sous à sa petite-fille pour réaliser leur rêve commun.
Quelques mois plus tard, il rejoint le paradis des lecteurs.
« Tout le monde pensait que je n’allais pas réussir. Pourtant pendant 3 ans, j’ai organisé des évènements culturels sur la place. Un jour le coiffeur du boulevard Joffre est venu me voir.
« Le local à côté de moi est libre, est-ce que ça vous intéresse ? ».
J’ai déménagé et laissé la place à une nouvelle coiffeuse, Sylvie Astrou. En 1989, sur cet emplacement plus fréquenté, le chiffre d’affaires avait augmenté de 30 % ! En 12 ans, j’ai reçu de grands écrivains connus, aidée de l’association Lire délivre, initiée par des lecteurs passionnés pour faire découvrir la
lecture. Raoul Sturbelle qui a travaillé avec moi le sait bien. »
C’est Albert Woda, l’artiste de Reynès qui a créé le graphisme de l’enseigne à partir du livre pour enfants Le cheval dans l’arbre de Christiant Bruel* aux éditions Le sourire qui mord. Avec 80 heures de travail par semaine et quelques problèmes de famille, Michèle a tourné la page et Jean-Luc Pelissou a ensuite
tenu la librairie de main de maître durant 20 ans.
Depuis 2020, la librairie, dont le destin était incertain, est devenue un Société Coopérative d’Intérêt Collectif, et l’aventure de Pépé Jules et Michèle s’inscrit dorénavant en belles lettres dans l’espace lumineux d’un local flambant neuf rue Michel-Arribaud…
Magali Mas-Ferrari
Source : L’ indépendant
* L’auteur est invité le vendredi 9 juin pour une conférence dédicace de son dernier manuel « L’aventure politique du Livre Jeunesse », éditions La Fabrique